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mardi, 18 juillet 2017 13:32

Unknown Pleasures ''100 consecutive original work of pulse abstraction''

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Unknown Pleasures

''100 consecutive original work of pulse abstraction''

  Je crois, qu'au début des années 80, les gens ont oublié ce que les émotions étaient censées être. Et je ne pense pas qu'ils s'en soient jamais souvenus depuis. Dès l'instant où vous avez  perçu les émotions sous un certain angle, vous ne pouvez plus jamais les considérer comme réelles. C'est mon avis et c'est ce qui m'est plus ou moins arrivé. Au coeur de mon adolescence, dans une tourmente familiale, je découvrais Joy Division. Je me rappelle ce qui m’avait tant effrayé, quand j'ai appréhendé l'album Unknown Pleasures : l’immobilité, l’écrasement, l’impossibilité de décoller. Ce fut pour moi, un des premiers tremblements de l'âme. Ce sentiment effrayant qu’on trouve pour la première fois chez Rimbaud : « on ne part pas », la montée d’une angoisse crépusculaire viscérale, qui interdit l’envol, et contraint à une lucidité déchirante. 

La pochette de cet album, réalisée par Peter Saville, est une des plus emblématiques de l’histoire du rock. Un des emblèmes musicaux référentiels entrés au panthéon de la pop-culture. Ce qui frappe de prime abord sur la pochette d’Unknown Pleasures, c’est son austérité. Aucune mention des noms du groupe et de l’album, aucune figuration, aucune couleur, des motifs réduits au strict minimum, une seule figure, compacte et épurée. Cette simplicité lui permet d'attraper l’œil et d'imprimer l’imaginaire.

La pochette d’Unknown Pleasures se livre directement. La masse d’informations que l’œil doit repérer et le cerveau décoder est réduite à une quantité étique. Une incarnation, empreinte de synesthésie, L’image ne donne pas seulement à voir, mais aussi à ressentir et à entendre. Ces ondes, ces tracés rectilignes brisés en leur milieu par des irrégularités convulsives, peuvent être assimilées à des sons rendus étonnamment fantomatiques, lointains, comme un écho qui viendrait nous hanter depuis un point inaccessible de l’espace.

La grande richesse interprétative de cette icône réside dans sa mutation de statut. L’ensemble des lignes, d’une certaine abstraction graphique, est en effet la transcription d’une image scientifique, celle du premier pulsar qui fut découvert en 1967 par les chercheurs britanniques Jocelyn Bell et Antony Hewish et nommé PSR B1919+21 ; ce sont les ondes mesurées de ce premier pulsar qui sont recopiées sur l’artwork d’Unknown Pleasures. Mais cette implémentation de la sphère scientifique à la sphère artistique ne suit pas le cours usuel et n’entraîne pas une complexification des figures implémentées mais, au contraire, une simplification telle qu’elle en frôle l’abstraction. Car les lignes du pulsar ne sont pas insérées ici dans un ensemble d’autres figures avec lesquelles elles dialoguent ; non, elles SONT l’image. Décontexualisées, séparées de leur équivalent dans le réel, dépourvues de toute signification, elles se voient réduites à leur seule plasticité graphique, leur esthéticité géométrique. En transposant une image scientifique dans le champ artistique, Peter Saville et Joy Division ont introduit, par le truchement d’une nébuleuse métaphorique, un élément nouveau dans la lecture de cette image : l’enchantement.

Cette fonction enchanteresse est celle de l’art. L’œuvre doit garder sa complexité, son but est de n’être qu’imparfaitement compréhensible afin de générer un vide significatif que l’observateur va investir avec sa propre intériorité, s’appropriant ainsi l’œuvre et se la personnalisant au travers du prisme de sa subjectivité. L’égarement du spectateur est nécessaire pour que celui-ci puisse se trouver lui-même en l’œuvre, établir des correspondances et des hypothèses de lecture qui conduiront l’œuvre à être réactivée, performée par les subjectivités et, par là-même, vivante.

Unknown Pleasures ''100 consecutive original work of pulse abstraction''

700 X 160 cm

Technique mixte sur plaques offset recyclées

Oeuvre réalisée avec le soutien de la société ''IME by Estimprim''

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